Design, la nouvelle frontière du “leadership” éthique

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La perception du design a évolué ces dernières années pour devenir finalement applicables à toutes problématiques et consacrer son caractère stratégique pour accompagner les entreprises et la société en général. Le design continue de réfléchir à la forme des objets, à l’architecture intérieure, au graphisme…mais il incarne dorénavant toutes les préoccupations stratégiques de transformations des modèles économiques et d’organisation. En devenant stratégique, le design est devenu discipline de management. Pour aider les organisations à concevoir, produire et vendre différemment, produits ou services, les designers sont appelés à prendre des positions de management dans toutes les structures publiques et privées. Les universités et les écoles de design vont devoir adapter leurs programmes pour constater et accompagner cette évolution. Le design pourrait incarner le management éthique et le designer a vocation à devenir un leader pour qui ce qui est « technologiquement possible » et « économiquement profitable » ne seront plus que moyens pour incarner et donner du sens à toute entreprise humaine.

De l’origine : un design de création aux applications tactiques

Lors d’une récente conférence à la China Academy of Fine Arts – CAFA – de Beijing, le Professeur CAI JUN de Tsinghua University* présentait les évolutions récentes de la perception du design comme discipline de création. Traditionnellement attaché aux Arts Appliqués, le design a longtemps accompagné les évolutions de la technologie et notamment celles des matériaux et de leur transformation. Dans son acception industrielle, identifié au début du 20ème siècle, le design permettait de requestionner les valeurs sémiotiques du travail artisanal dans les productions de masse. Il a accompagné l’ère industrielle et les chaines de montage s’adaptant aux contraintes de ce qui est technologiquement possible et économiquement profitable. Appliqué aux objets, il consacrait une dimension esthétique, forme de pureté désintéressée propre aux choses de l’Art pour compenser la relation moins noble à la technologie, au marché, au profit.

Le designer est alors considéré comme un créatif, un artisan de la forme, son intervention est purement tactique. Il ne viendrait à personne l’idée qu’il puisse occuper des positions stratégiques à l’intérieur des structures. Les positions hiérarchiques élevées sont alors occupées par les ingénieurs suivis des « commerciaux-financiers » quand l’économie de distribution se substitue à l’économie de production.

L’innovation et l’expérience : vers une position stratégique

Mais tout a évolué quand le paradigme de l’innovation a bousculé celui de l’organisation de la production de masse et de la qualité. Traditionnellement, c’est ce que nous enseigne Taylor dans son ouvrage « Scientific Management » paru en 1911, le paradigme industriel repose sur un principe d’organisation technoscientifique pour permettre à l’entreprise de faire de mieux en mieux ce que l’on sait faire. Si elle s’organise pour faire de mieux en mieux, l’entreprise a l’opportunité de faire mieux que ses concurrents et, profitant d’une meilleure rentabilité et donc de capacité d’investissement, de faire encore mieux dans un processus itératif. Elle peut ainsi rester durablement en position de leader et se développer.

Ce modèle fonctionne parfaitement quand les entreprises sont soumises à des conditions équivalentes d’approvisionnement de matières premières et d’énergie, de production et de coûts et d’accès au marché, quand la compétition est loyale en somme.

La mondialisation a évidemment entièrement remis en cause ce modèle, toutes les industries sont bousculées par l’arrivée de nouveaux opérateurs internationaux qui fonctionnement avec d’autres conditions, en particulier sociales, qui déséquilibrent les leviers de la concurrence. « Faire de mieux en mieux ce que l’on sait faire » ne suffit plus. Il convient de changer de paradigme pour compléter le précédent. « Être capable, de manière durable et récurrente, de faire autre chose avec ce que l’on sait faire » devient le nouveau paradigme industriel, il est celui de l’innovation. Il se substitue à celui de la qualité.

Dès lors le design peut changer de nature, discipline de création, il devient discipline d’innovation. En spéculant sur les usages à venir, en les représentant, en leur donnant forme, il permet aux entreprises et plus généralement à toutes sociétés de réfléchir aux orientations de leurs développements, de leurs mutations, qui, représentées et ordonnées sur des évolutions sociétales, deviennent objectives et tangibles.  Le design donne du sens en même temps qu’une direction et, en terme économique, un objectif. Il devient stratégique pour toutes les entreprises qui réfléchissent à demain. Le design sort de sa gangue tactique pour devenir stratégique.

Sa perception évolue. Alors que pour beaucoup, le design était une discipline de création d’objets, il incarne dorénavant une dimension plus vaste d’usages et d’expérience à venir, déterminante pour orienter les politiques à long terme. L’affaire n’est pas nouvelle, car le designer s’est évidemment toujours intéressé aux usages et à l’expérience mais sa perception, sa reconnaissance, par l’entreprise en particulier, a profondément évolué parce qu’il s’agit d’innover et d’être en permanence en capacité de le faire.

Le designer dessine dorénavant des usages, ne dessine plus de voiture mais plutôt de la mobilité. Son rôle s’est considérablement élargi. Il sculpte les espaces et spéculent sur les interactions sociales des espaces quand on lui demandait préalablement de les aménager pour faire « beau ». Il les dessine et leur donne du sens pour les justifier, le sens d’un plus grand confort à venir.

Si l’évolution est notable, elle n’est néanmoins pas très éloignée du métier et des pratiques des origines, c’est le contexte des entreprises qui change, pas l’intention, ni même la vocation du designer. Mais l’évolution des contextes est déterminante. La position perd son caractère tactique au profit d’une autre plus stratégique. Il s’agit de représenter les usages de demain pour aider les structures à s’adapter et à innover pour faire la différence. L’innovation n’est plus réservée qu’à la technologie. Elle est dans les usages de celle-ci.

Pour beaucoup d’entreprises, l’usage a pris le pas sur les besoins dans leur réflexion pour anticiper les marchés et les préfigurer. Le designer peut « dessiner » les contours d’un usage à venir sans qu’il n’y ait aucune définition de besoins de consommation et pour lequel, de fait, le marketing qui interprète les besoins, est impuissant. Le design va prendre la place stratégique du marketing.

“Le designer peut « dessiner » les contours d’un usage à venir sans qu’il n’y ait aucune définition de besoins de consommation et pour lequel, de fait, le marketing qui interprète les besoins, est impuissant. Le design va prendre la place stratégique du marketing.”

Le digital a parfaitement accompagné cette évolution de la perception et du rôle du design. Beaucoup de nouveaux services sont nés sans qu’aucun besoin réel n’ait été détecté. Personne n’avait souhaité Twitter. Aucun consommateur de montre-bracelet n’avait demandé de montres connectées, aucun utilisateur de téléphones n’avait souhaité pouvoir payer avec son mobile. Les designers ont représenté ce monde pour le rendre réel, objectif, acceptable et désirable. L’image a rendu objectif le manque et a suscité le désir en même temps qu’il le rendait objectif.

Les designers sont devenus ces professionnels du digital, capables de s’approprier à la fois l’approche technologique informatique et scientifique, l’usage et le sens de ce qu’il convient d’en faire. La projection des savoir-faire graphiques fait le reste de l’approche esthétique.

Le moment du sens

Le monde est bouleversé par deux modifications radicales de contexte qui vont profondément modifier nos environnements : D’une part, l’émergence de responsabilités et de devoirs sociétaux pour économiser les ressources et limiter le réchauffement climatique, et, d’autre part, l’évolution de la relation Homme – Machine dès lors que les robots dotés d’intelligence artificielle seront plus intelligents que l’humain qui les a construits.

La société de consommation sur laquelle est fondée la génération de valeur ajoutée, et donc de richesse, fonctionne sur le pilier du renouvellement des marchés. Chaque fois qu’une entreprise de produits blancs vend un lave-vaisselle, elle génère de la valeur ajoutée, autant de richesse qu’elle redistribue pour partie, à ses employés, à la société sous forme d’impôts et taxes, à ses fournisseurs, aux propriétaires de l’entreprise enfin.  L’entreprise génère de la richesse qu’elle redistribue. Elle se développe dès lors que régulièrement elle vend de nouveaux produits qui se substituent aux anciens. Le fondement du développement capitalistique est lié à ce renouvellement perpétuel. En clair, il faut consommer pour s’enrichir.

L’essor des sociétés occidentales est fondé sur cette expérience économique et toutes les autres formes de société non-capitalistiques ont historiquement échoué à générer richesse, bien-être et liberté. Toutes les expériences socialistes sérieuses se sont ralliées au capitalisme. Mais, l’émergence d’une conscience environnementale et responsable incite à un autre modèle, à la sobriété, au partage et à l’économie de ressources. Un lave-vaisselle doit pouvoir durer, être réparé, pour éviter de devoir le changer, alors qu’il était évidemment conçu pour être défectueux au bout d’un certain nombre de cycles pour encourager son remplacement. L’obsolescence programmée a été la norme dans de nombreux secteurs d’activité industrielle et avec pertinence puisqu’il s’agissait de produire de la valeur ajoutée. De même, et puisque les réseaux sociaux le permettent, le même lave-vaisselle doit être partagé entre plusieurs familles afin d’en optimiser le rendement. Si le lave-vaisselle fonctionne une heure par jour, c’est avec 23 familles qu’il va falloir le partager, augurant ainsi de profondes mutations dans nos habitats et notre vie en société en général.  Pour l’entreprise de lave-vaisselle, son salut n’est plus dans le renouvellement du marché. Elle est morte dès lors qu’elle est assise sur un modèle qui n’a plus de sens et qui va être rejeté par les consommateurs. Elle doit définitivement s’adapter pour continuer à produire de la valeur ajoutée et à se développer. Pour beaucoup d’entreprises, l’enjeu est de passer du produit aux services. Fabriquer des lave-vaisselles en série pourrait devenir vain, vendre des cycles de lavage pourrait devenir le métier des industriels du secteur. Cela suppose qu’ils adoptent le nouveau paradigme évoqué précédemment, faire autre chose avec ce que l’on sait faire.

Pour le designer, l’aire de jeux est vaste et propice à toutes spéculations sur les chemins de traverse. Peu à peu, à la société de consommation, va se substituer une économie de la contribution, où chaque consommateur va faire un choix moral autant qu’économique, dès lors qu’il consomme, d’autant qu’il y sera incité ou contraint par les législations qui vont devoir évoluer pour « sauver la vie sur la planète ».

“Pour le designer, l’aire de jeux est vaste et propice à toutes spéculations sur les chemins de traverse. Peu à peu, à la société de consommation, va se substituer une économie de la contribution, où chaque consommateur va faire un choix moral autant qu’économique, dès lors qu’il consomme, d’autant qu’il y sera incité ou contraint par les législations qui vont devoir évoluer pour « sauver la vie sur la planète ».”

La Responsabilité Sociétale de l’Entreprise est une tartufferie s’il s’agit de faire croire que l’entreprise aurait une vertu. Aucune entreprise capitalistique n’a conçu, fabriqué, vendu un produit par devoir, toujours par intérêt. Et bien heureusement, car c’est grâce à son activité que nous bénéficions de richesse en partage. L’Etat par essence ne produisant rien, ce sont les entreprises qui nous permettent de construire des routes, des hôpitaux, des écoles et des universités. L’Etat administre, contrôle, collecte et redistribue mais ne produit rien, et dès qu’il se mêle d’entreprendre, il est en général très mauvais, n’étant pas là dans son rôle.

Personne ne doit croire le chef d’une organisation capitalistique qui prétend s’occuper de ses clients, de ses marchés par devoir moral. « Il ne faut pas compter sur la bienveillance de son boucher pour avoir de la bonne viande, mais plutôt espérer qu’il gère bien ses propres intérêts » nous rappelle Adam Smith.  Jamais, une entreprise n’a vendu quoique ce soit par devoir. Moraliser l’entreprise en tant que système est une faute. L’entreprise a une vertu économique, pas de vertu morale.

En revanche, et c’est bien là l’essentiel, toutes les entreprises vont devoir s’adapter à une nouvelle conscience des clients vers une sobriété désirée et planifiée. La responsabilité du designer est directement engagée dans cette transformation, car elle part de la redéfinition des usages, non pas de la performance technique, ni d’une définition marketing des besoins.

Encore une fois et parce qu’il s’agit de muter et de bâtir de nouveaux modèles, le designer devient l’artisan de la définition d’une responsabilité sociétale. Il est au cœur des problématiques d’adaptation des organisations. Penser et bâtir demain, c’est le faire plus sobre, sinon à devoir définitivement en fixer les limites, celles de la vie sur terre. Les entreprises vont devoir concevoir, produire et vendre totalement différemment. Ce sont les designers qui mettront autour de la table toutes les compétences de l’entreprise pour parvenir à cette fin.

“Les entreprises vont devoir concevoir, produire et vendre totalement différemment. Ce sont les designers qui mettront autour de la table toutes les compétences de l’entreprise pour parvenir à cette fin.” 

Le réchauffement climatique, le gaspillage des ressources, la production de carbone menacent notre humanité, certes. Mais un autre enjeu est peut-être encore plus prééminent à ce risque même s’il est moins médiatisé comme générateur de catastrophes. Le design industriel trouve ses racines dans la préoccupation des premiers designers de retrouver les codes sémiotiques de l’artisanat dans les productions industrielles du début du 20ème siècle. La machine « anthropophage » telle qu’elle est représentée métaphoriquement par Charlie Chaplin dans « les Temps Modernes » invite à penser le rôle de l’humain et sa perte d’humanité quant à sa relation à la machine. Le robot doté d’intelligence artificielle pose la même problématique. Il s’agit de répondre à la question « qu’est-ce qu’être humain, dès lors que les robots seront performants et demain plus intelligents que nous ? ». Qui de la vielle dame qui traverse la rue ou bien du platane sur le bord de la route, la voiture téléguidée décide de percuter dès lors que nous ne la conduisons plus et qu’elle est autonome ? Quid de nos avatars qui font les courses à notre place et ramènent les repas de la semaine en même temps qu’ils choisiront nos menus ? Quid des exosquelettes ou autres prothèses bioniques quand elles nous permettent de courir plus vite que le champion olympique. Qu’est-ce qu’être humain dès lors que les robots nous dépassent ? Le rôle du designer est central dans cette réflexion, car il s’agit d’apporter cette part de conscience qui fait défaut à toute science et toute technologie qui par essence n’en ont pas.

« Tout ce qui peut être fait sera fait, toujours » nous rappelle Jacques Testart, biologiste et père scientifique d’Amandine le 1er bébé éprouvette, préfigurateur d’un espoir formidable pour certains couples en difficulté de procréer mais qui concomitamment est l’ange-annonciateur de tous les docteurs Frankenstein. Le mythe de Prométhée a deux faces, l’une angélique et l’autre monstrueuse. L’Ethique s’impose à nous dès lors que la science accélère et qu’elle nous échappe.

L’émergence d’une conscience sociétale et les nouvelles relations Homme-machine sont les deux grands enjeux qui guident dorénavant toute la pédagogie des écoles de design. Chaque projet, chaque création, chaque scenario sont emprunts de ces deux problématiques qui constituent le lien et le nœud de toutes les autres, elles obligent à donner un sens, une éthique à un demain désirable. Les designers demain seront les garants d’une entreprise qui donne du sens, des gages pour s’adapter aux mutations et aux exigences morales des marchés. Encore une fois, elle ne le fera pas par vertu mais par intérêt, et heureusement, car cette intention de rentabilité paraît beaucoup plus performante que les discours fallacieux de certains dirigeants qui prétendent nous apporter la lumière.

Elsebeth Gerner Nielsen, rectrice émérite de la « Designskolen Kolding » au Danemark écrit : « Les entreprises du 19ème et du 20ème siècle se sont posées la question de ce qui était technologiquement possible et économiquement profitable, celles du 21ème se posent la question de ce qui fait sens ». Alors quel rôle pour le designer dont l’action est devenue stratégique, celui évidemment de donner du sens, de représenter, de produire les images, d’écrire les scénarios d’un monde plus sobre et plus humain. S’il s’agit de transformer les entreprises et la société en général et se projeter dans un monde désirable, alors le designer doit occuper demain les positions les plus stratégiques.

“S’il s’agit de transformer les entreprises et la société en général et se projeter dans un monde désirable, alors le designer doit occuper demain les positions les plus stratégiques.”

 

Après le sens, l’éthique comme nouvelle frontière

 

Emmanuel Levinas écrit : « La Morale nous fait nous apitoyer sur ceux qui ont faim, l’Ethique nous oblige à les nourrir. ». L’Ethique oblige à l’action, il ne s’agit plus de penser le monde ou de le dessiner tel qu’on voudrait qu’il soit, il s’agit de le bâtir. Au-delà de sa position de donneur de sens, le designer devient bâtisseur et revient symboliquement à l’origine des Arts Appliqués et du travail de la main, celle du bâtisseur de cathédrale, mais dont l’objectif n’est rien moins que d’atteindre le ciel, et pour cela, il faut entreprendre. Le designer ne peut plus être seulement l’artisan de l’idée, du dessin, de la forme, de la création, il doit être bâtisseur et même mieux le chef d’orchestre des entreprises qui bâtissent. Il ne peut plus se contenter des strapontins hiérarchiques, il doit occuper les positions les plus stratégiques, parce que son rôle va être de mettre autour de la table, les ingénieurs, les marketers, les financiers, les sociologues, les philosophes…toutes les disciplines et les compétences pour réfléchir et penser à demain. Le design est devenu stratégique, le designer devient manager. C’est sa responsabilité, son devoir au moment où les entreprises doivent muter et qu’elles ont besoin de sens.

“Le design est devenu stratégique, le designer devient manager. C’est sa responsabilité, son devoir au moment où les entreprises doivent muter et qu’elles ont besoin de sens.” 

Il convient d’agir, de concevoir, de produire et de vendre différemment. Les entreprises y seront contraintes par l’évolution de la consommation. Le consommateur va vouloir obtenir des gages de vertu de la part des entreprises. Il va devenir consommateur-citoyen. L’évolution est intéressante car elle va bouleverser l’approche UX design – design basé sur l’expérience – qui pourrait devenir une approche beaucoup plus centrée sur le consommateur devenu citoyen. L’UX pourrait être remplacé par le CX design. La « Consumer Experience » consacre à la fois l’expérience et l’usage mais aussi la consommation qui devient acceptable dès lors qu’elle est raisonnée. Le CX design pourrait se substituer au marketing « egocentré » sur la distribution et la rentabilité. Le designer pourrait occuper demain les plus hautes fonctions marketing, pas par ambition mais par nécessité économique et surtout par devoir.

L’Ethique oblige à agir. Le design-thinking n’a posé que les bases d’un design qui réfléchit. Il n’en restera rien sinon des souvenirs de réunions de collage de post-it pendant lesquelles chacun a l’impression de libérer sa créativité. Sans fondement scientifique sinon un dessin pour justifier que la pensée créative part dans tous les sens, et donc n’en a aucun, le design- thinking ne pourra survivre sinon comme une étape récréative de l’émergence du designer vers les fonctions stratégiques et de management.

“Sans fondement scientifique sinon un dessin pour justifier que la pensée créative part dans tous les sens, et donc n’en a aucun, le design- thinking ne pourra survivre sinon comme une étape récréative de l’émergence du designer vers les fonctions stratégiques et de management.”

Le «design-thinking » est mort parce qu’il n’est pas sérieux sinon pour tous les consultants qui en ont profité pour garnir leur portefeuille.  Place au «design-doing », entreprendre est le vrai salut, et pour cela, pour agir, pour être décisif, il faut occuper les positions stratégiques. Le design ne doit plus être reconnu pour la forme ou l’esthétique mais pour sa capacité à durablement influencer les contours du monde dans lequel on entend vivre. La période est propice au moment où les entreprises n’ont d’autres choix que de se transformer et d’affirmer être vertueuses. Si l’action du leader est incarné non plus par une compétence technologique ou commerciale mais par la démarche éthique qu’il conduit, alors les places les plus hautes dans les pyramides sont ouvertes aux designers.

“Si l’action du leader est incarné non plus par une compétence technologique ou commerciale mais par la démarche éthique qu’il conduit, alors les places les plus hautes dans les pyramides sont ouvertes aux designers.”

Le concept d’«Ethical leadership» se substitue à toutes les théories scientifiques d’organisation, d’administration et de management des structures.

L’«Ethical Leadership », un tournant décisif pour l’éducation au design

Le rôle des Ecoles de design dans l’apprentissage et la formation doit changer de nature et préparer les étudiants à devenir entrepreneur de leurs propres idées. C’est une profonde évolution des programmes qu’il faut opérer. La plupart des programmes sont centrés sur l’apprentissage des techniques alors que celles-ci seront probablement assurer demain par des robots intelligents. Penser que les robots ne seront pas capables de créer est une faute. Nous leur aurons appris à le faire et à prendre notre place sur toutes les activités techniques. Ils sauront corriger, apprendre de leurs erreurs, progresser.

Il reste à l’humain de prendre la position de manager et d’animateur de ce que les machines sauront faire. C’est l’enjeu du positionnement du design demain. Si le design est devenu stratégique et si les tâches techniques sont assumées par de l’Intelligence Artificielle, s’il s’agit de donner du sens aux sciences, à la technologie et/ou au marketing et à la finance, alors le design devient la fonction-clé. Mais, cela ne sera envisageable que si les écoles de design bouleversent profondément leur programme vers plus de professionnalisation, de compréhension de l’économie, des organisations et des leviers de leur développement. L’enjeu de l’hybridation des disciplines entre science, humanités, business et design devient impérieux mais pas suffisant. C’est la projection des étudiants vers les fonctions stratégiques qu’il convient d’ordonner. Les étudiants-designers ne peuvent plus se contenter de créer et de laisser leur création à d’autres, il s’agit d’agir.

“C’est la projection des étudiants vers les fonctions stratégiques qu’il convient d’ordonner. Les étudiants-designers ne peuvent plus se contenter de créer et de laisser leur création à d’autres, il s’agit d’agir.”

Ils sont appelés à devenir les leaders de cette profonde révolution économique vers plus de responsabilité morale et de sobriété. Ils doivent être les leaders à la condition qu’ils en soient conscients et que les écoles leur permettent d’objectiver cette issue. L’« Ethical leadership » est la nouvelle frontière ou comment accéder aux plus hautes fonctions parce que c’est un devoir dans ce monde incertain.

Ou alors, le design ne restera qu’à la marge, une discipline d’Arts Appliqués alors que les positions top-stratégiques sont grandes ouvertes. Si l’éthique s’impose aux entreprises, se substitue à l’ordre ancien technologique et/ou marketing, pour générer de la valeur, alors le concept d’« Ethical leadership »  devrait s’inscrire au fronton de toutes les écoles pour produire enfin les designers de demain, ces entrepreneurs qui ont compris qu’un dessin de vélo ne vaut rien à résoudre les problèmes de mobilité, et qu’il s’agit en responsabilité de fabriquer le vélo et de représenter objectivement tous les bénéfices qu’on le peut en tirer.

Christian Guellerin

*Conférence du Professeur CAI JUN – Tsinghua University – Beijing October 2023 – “Evolvement of the role of design : efficiency, experience, meaning, ethics” – working group Cumulus “Design, business and strategy” chaired by Christian Guellerin – Honorary President of Cumulus.

www.cumulusassociation.org

1 réflexion sur “Design, la nouvelle frontière du “leadership” éthique”

  1. Pierre Granier

    Enfin quelqu’un qui nous parle du design sous ses aspects stratégiques et management. Il va falloir reprendre tous nos cours de Management pour les adapter aux modifications de contexte digital, industriel et commercial… Le design thinking n’avait aucune base conceptuelle et donc ne peut pas survivre. Il va falloir conceptualiser le design et le travailler à l’aune des concepts d’organisation et de motivation des individus dans les structures économiques et sociales publiques ou privées. Il faut relire Elton Mayo et Drucker dans des contextes contraints de ressources et d’intelligence artificielle pour inventer le design du 21ème siècle.
    Les ecoles vont devoir se positionner, continuer à former des techniciens avec toute la noblesse du travail de la main ou bien des managers avec des visions stratégiques. L’idéal serait de garantir les 2 mais la promesse est-elle tenable?
    J’invite à relire “L’Eloge du carburateur” de CRAWFORD.
    https://www.editionsladecouverte.fr/eloge_du_carburateur-9782707160065
    Merci Christian Guellerin pour ce papier.

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