Les économies occidentales sont à la recherche d’un nouveau souffle. Si les états cherchent aujourd’hui à endiguer la crise de la dette ou bien à sauver les banques de la faillite, c’est bien sur le terrain des entreprises et de leur compétitivité que tout va se jouer. La globalisation et la concurrence de nouvelles économies émergentes a conduit à une totale réorganisation économique à l’échelle de la planète et comme l’aurait dit Adam Smith à une nouvelle ère de « division du travail ».
« Made in China, Made in India » est devenu la norme, pour le bonheur des consommateurs soucieux d’avoir les meilleurs produits au meilleur prix. A qualité égale, qui envisagerait en effet d’acheter plus cher au motif que le produit est fabriqué près de chez lui ? Seule la démagogie de certains politiques pourrait tenter de nous faire croire le contraire. Y a-t-il un avenir à nier l’évidence ?
Poussées par des intérêts économiques, les entreprises industrielles occidentales se délocalisent vers la Chine, l’Inde ou d’autres pays pour rester compétitives. Il semble que l’avenir de l’assemblage ne soit plus à l’Ouest. Si les mesures de protectionnisme semblent difficiles à engager pour éviter les délocalisations, on peut néanmoins espérer que l’augmentation probable des coûts de l’énergie et du transport ainsi que l’amélioration du niveau de vie et de la protection sociale des ouvriers – et donc leur coût – vont peu à peu endiguer cette fuite. Mais à quelle échéance ? C’est aujourd’hui que nous avons besoin de sauver nos emplois.
Les paradigmes industriels et marketing sur lesquels se sont bâties les économies occidentales sont en train de muter et il serait vain d’essayer de s’accrocher à des références de gestion qui datent de la révolution industrielle du XIXe siècle pour les uns, des années 50 pour les autres. Pour beaucoup d’entreprises occidentales, il ne s’agit plus tant de faire de mieux en mieux ce qu’elles savent faire, mais d’être en capacité permanente de toujours faire autre chose avec ce qu’elles savent faire.
Il faut que la capacité à innover, à muter, à changer de métier soit inscrite au cœur même de la stratégie de l’entreprise. Il faut développer la capacité à la « flexibilité innovante », en faire un déterminant stratégique du développement et de la pérennité de la structure. Il faut passer de l’ère de la gestion industrielle à celle de l’entrepreneuriat innovant.
C’est la création et l’innovation qui vont sauver les entreprises industrielles des économies occidentales et leur permettre de restaurer leur valeur ajoutée. C’est par la recherche, l’innovation, le sens et les valeurs véhiculées par l’image de marque que l’on va restaurer les marges et la compétitivité des entreprises.
De même, l’ère du numérique et de la relation immatérielle se substitue peu à peu à l’ère de la publicité, devenue suspecte puisque par nature elle s’enorgueillit de nous faire acheter des produits dont nous n’avons pas besoin. Le marketing change d’outils, voire de nature. L’économie de la contribution pousse celle de la consommation vers la retraite.
La recherche, la création, l’innovation sont inscrites au cœur même du métier de designer. Si l’ingénieur était l’homme de l’industrie, le marketer celui de la publicité, le designer pourrait être celui de la mutation industrielle et du marketing, celui de l’entreprise innovante et flexible. C’est sur sa compétence à concilier la création et l’innovation, les imaginaires et la réalité socio-économique, à donner du sens, que va se jouer la restauration des marges des entreprises occidentales. Sa capacité à projeter l’avenir et les mutations sera par ailleurs une des données fondamentales du management du changement.
Partout dans le monde, les écoles de design se développent, et sont soutenues par tous les politiques conscients des enjeux. Ce développement s’accompagne de la création de « centres de design » de « design lab », ou de « design factory ». Au-delà de leur devoir d’éducation, les écoles de design ont donc vocation à devenir des centres d’innovation permettant la mutualisation des compétences des chercheurs de tous les domaines et des entreprises. Ces centres d’innovation multidisciplinaires sont les nouveaux territoires d’incubation d’où vont émerger les industries de l’avenir.
Les écoles et les universités de design vont être les porteurs de sens des territoires sur lesquels elles sont implantées. Elles vont être les garants d’une nouvelle réalité industrielle qui passe du « Made in » au « designed by ». Car l’enjeu est bien là pour restaurer la compétitivité des entreprises occidentales. Pour de nombreuses entreprises occidentales, la marque, les valeurs – « là d’où on vient » – le sens, au même titre que la capacité à innover, vont avoir la primauté sur les normes de qualité, la productivité, le rendement. L’exemple d’Apple est patent : « Designed by Apple », « Assembled in China », pour une entreprise qui change de métier tous le 5 ans. « Avant d’être quelqu’un, on vient de quelque part » nous montre Apple, qui a fait de sa marque un des principaux vecteurs de sa valeur ajoutée.